Pasta party avant la compétition, une erreur ?

Mis à jour le : novembre 29, 2017

Manger des pâtes avant la compétition, c’est essentiel, me direz-vous. C’est en effet un principe de nutrition véhiculé dans le monde sportif depuis de nombreuses années. Pour ma part, c’est ce que j’ai fait consciencieusement avant chaque triathlon et avec encore plus de ferveur avant les courses à pied longues distances… ! Je me disais : « il faut que tu manges des sucres lents pour stocker les réserves d’énergie qui vont être essentielles à ton corps pendant la course ».

Eh bien, grosse erreur, ça ne sert à rien ou presque !

Pourquoi ? Parce que les réserves de sucre dans votre foie et vos muscles (glycogène) sont limitées. En principe, elles sont déjà pleines avant un effort, surtout avec l’alimentation généralement riche en glucides qui prévaut dans notre société occidentale.

En résumé, manger un plat de pâtes avant la compétition va plutôt vous faire grossir ! Vos réserves d’énergie sous forme de glycogène étant pleines, le corps va stocker cette énergie supplémentaire sous forme de lipides, majoritairement autour de la ceinture abdominale… (eh oui, vous voyez de quoi je parle ?!)

Pour bien comprendre comment fonctionne le stockage et la dépense énergétique, nous sommes obligés d’aller un peu plus dans le détail pour comprendre quel est le métabolisme du corps humain.

Quelles sont les sources d’énergie utilisées par les cellules de votre corps ?

L’énergie dont nous avons besoin nous est apportée par l’alimentation. Il existe 3 grandes familles de macro nutriments : les glucides (sucres sous toutes leurs formes), les lipides (graisses) et les protéines.

La source finale d’énergie de toutes les cellules de notre corps est l’ATP (adénosine triphosphate). Pour produire de l’ATP, les cellules ont 2 sources de combustible possibles : le glucose et les lipides.

Les protéines ne servent à fabriquer de l’ATP que de manière anecdotique, uniquement lorsqu’il y a surabondance de protéines ou pénurie de glucides et lipides. Nous n’en parlerons donc pas plus dans cet article.

Le glucose

Il est composé d’une molécule de sucre simple. Il est utilisé lors d’un effort intense : on peut le qualifier de carburant « super », car il est très vite disponible.

Le glucose est synthétisé à partir de toutes les sources alimentaires qui contiennent des glucides (sucres) : céréales, riz, pommes de terre, fruits, certains légumes, légumineuses, miel, sucre raffiné, etc.

Les lipides

Les lipides utilisés par l’organisme pour produire de l’ATP sont les triglycérides (ou graisse neutre). Ils sont composés d’une molécule de glycérol et de 3 acides gras. Ils sont utilisés lors d’un effort lent à modéré : on pourrait les qualifier de carburant « diesel ».

Les triglycérides sont synthétisés par le corps à partir des lipides issus de l’alimentation (viande, poissons, produits laitiers, oléagineux), mais ils peuvent aussi être produits par notre organisme lorsque nous consommons trop de glucides, ce que nous verrons plus loin. N’étant pas le but de cet article, je ne vais pas m’attarder sur les diverses formes de lipides aujourd’hui et pour plus de simplicité, je continuerai à utiliser uniquement le terme de lipides comme carburant des cellules, en opposition au glucose.

Source d'énergieDisponibilitéType d'effort
GlucoseRapideIntense
Lipides (triglycérides)LenteLent à modéré

Le corps d’un coureur de trail [1] utilisera majoritairement les lipides comme source d’énergie, car il fournit un effort long mais plutôt de basse intensité. Il utilise aussi bien sûr un peu de glucose, mais en moindre mesure.

En revanche, le corps d’un coureur de 800 m utilisera principalement du glucose pendant sa course, son effort étant de type court et soutenu.

Comment l’énergie est-elle stockée et utilisée ?

« Notre organisme ne stocke qu’une petite quantité de glucides, alors que la quantité de lipides est pratiquement illimitée. [..] Sur les 160'000 calories que nous avons en réserve, les glucides en représentent 2000, les protéines 25'000 et les lipides 140'000, soit 87% du total. » (2)

Comme nous avons 2 principales sources d’énergie pour faire fonctionner nos cellules, nous avons aussi 2 formes de stockage de cette énergie : le glycogène et les lipides.

Le glycogène

Le glucose est stocké sous forme de glycogène (assemblage de plusieurs molécules de glucose) dans le foie et les muscles. C’est une énergie vite disponible quand le corps en a besoin.

Dans le foie, la quantité max de glycogène est de seulement 100 gr ! Le but de ce glycogène est d’assurer le maintien de la glycémie (taux de sucre dans le sang) entre deux repas et de préserver un apport de sucre au cerveau lors de l’exercice. Lorsque notre corps en a besoin, il sépare cette grosse molécule qui redevient plusieurs molécules de glucose et les libère dans le sang.

Dans les muscles, le stock de glycogène est un peu plus important que dans le foie, mais il concerne malgré tout seulement 2% max de l’énergie totale en réserve dans le corps !

Un élément important à savoir est que seul le glycogène du muscle concerné est utilisé par les cellules. Cela veut dire que notre coureur de 800 m va épuiser les réserves en glycogène de ses jambes pendant sa course. En revanche, il ne pourra pas rendre disponible les réserves de glycogènes de ses bras pour que ses jambes puissent les utiliser…

Lorsque nos réserves de glycogène sont pleines, étant donné qu’elles sont limitées et non extensibles, que se passe-t-il pour les glucides supplémentaires que nous mangeons ? Eh bien, notre foie va transformer ces glucides en glucose, puis le glucose en… lipides !

Les lipides

Les lipides sont utilisés par le corps pour un nombre très importants de fonctions et pas seulement pour la fabrication d’ATP. C’est notre foie qui est le principal acteur du métabolisme des lipides. Cette source d’énergie est moins rapidement disponible que le glycogène, d’où son utilisation par le corps plutôt lors des efforts modérés.

Si nous nous retrouvons avec des lipides en excès, ceux-ci seront emmagasinés dans les dépôts de graisse des hanches, de la ceinture abdominales, ou des tissus sous-cutanés (toujours sous forme de triglycérides) .

Cependant, le corps étant extrêmement bien fait, si nous avons épuisé nos réserves de glycogène et n’avons plus assez de glucose dans le sang, notre foie est capable de retransformer les lipides en glucose !

Dans le cas d’un épuisement des réserves de glycogènes, ce glucose sanguin peut donc être un carburant d’appoint pour nos muscles.

Comment refaire ses réserves de glycogène ?

La question qui se pose maintenant, c’est comment refaire ses réserves de glycogène une fois qu’elles sont épuisées après un effort intense.

Beaucoup d’études ont été faites sur la restauration des réserves de glycogène. Tout le monde n’est pas d’accord à ce sujet et cela reste un domaine complexe.

D’après les études les plus récentes, des réserves de glycogène totalement épuisées pourraient se refaire en moins de 24h, donc relativement rapidement avec un apport fractionné régulier de glucides (3).

Comme nous l’avons vu, la baisse du stock va dépendre de l’intensité de l’effort ainsi que de la capacité de chaque individu à utiliser ses graisses de manière plus ou moins rapide. Précisons ici que nous pouvons entraîner notre corps à utiliser nos lipides plus rapidement si besoin, ce qui va nous permettre d’épuiser moins vite, voire incomplètement nos réserves de glycogène.

Pour exemple, nous pouvons citer Mark Allen ou Dave Scott, 2 légendes du triathlon longue distance. Selon des calculs faits dans le laboratoire de Tim Noakes, ils n’auraient jamais pu boucler le marathon à la fin de leur Ironman en 2h40 s’ils n’avaient pas utilisé les lipides comme carburant et non uniquement leurs réserves de glycogène … ! (4)

Cela montre bien l’importance primordiale des lipides, qui sont le carburant que l’on peut mobiliser longtemps, car leur quantité est conséquente, surtout si l’on apprend à son corps à bien les utiliser.

Conclusion

Maintenant que nous avons vu les différentes sources d’énergie, leur stockage et leur utilisation, vous avez compris que pour un sportif lambda, manger des pâtes avant la compétition ne va pas vous permettre de courir plus vite, ni plus longtemps, ni vous aider à vous sentir plus en forme.

Au contraire, les réserves de glycogène dans vos muscles et dans votre foie étant déjà pleines, les glucides de vos spaghettis vont être transformés en graisse, stockée surtout dans la région abdominale. Vous voyez sûrement de quoi je parle si je vous dis « poignées d’amour » ?

C’est le grand drame de beaucoup de sportifs, ayant souvent une activité physique relativement importante, mais qui n’arrivent pas à se débarrasser de ces petits kg superflus. Une part importante de ce problème peut être imputé à une ingestion trop grande de glucides, mais l’intensité de l’entraînement joue un rôle aussi très important. Comme nous l’avons vu précédemment, les graisses sont utilisées à un effort lent, voire modéré. Il est donc important d’accorder une part non négligeable de vos entraînements en basse intensité.

En résumé, la PASTA PARTY oui, mais APRES l’effort physique, afin de refaire les réserves de glycogènes, mais PAS AVANT l’effort 😊. Et comme nous l’avons vu aussi, le besoin d'une ration glucidique de récupération va dépendre du type d’effort fourni. Donc en une ligne (car je pourrais refaire un article complet sur la question...) avant une compétition, privilégiez un repas avec des aliments que vous digérez bien et évitez trop de glucides!

Concernant les sportifs d’élite, le propos est à nuancer. Il est important d’estimer les quantités de glycogène utilisées pendant l’entraînement, afin de refaire les réserves de manière correcte pour être fin prêt au moment de la compétition. Certains rares athlètes font encore ce qu’on appelle le « régime dissocié scandinave », qui consiste à vider les réserves de glycogène pour à terme les refaire en forçant le corps à augmenter les stocks. Est-ce que ça fonctionne ? A priori oui, mais à quel prix pour le corps et est-ce efficace à long terme ? Ce régime tend à être abandonné de plus en plus dans le monde de la nutrition sportive de pointe. Je vous en parlerai peut-être dans un prochain article.

La question qui reste est pourquoi les glucides ont-ils colonisés nos assiettes ? Pourquoi Tim Noakes ne jurait-il que par les glucides comme carburant pendant l’effort et qu’est-ce qui l’a fait changer d’avis en 2011 ?

La réponse est avant tout politique, comme malheureusement trop souvent, mais on nous a trompés suffisamment longtemps pour que cela vaille la peine que je vous écrive un article plus complet sur le sujet, que vous retrouverez tout bientôt en ligne !


(1) Dans cet article, j’utilise uniquement le genre masculin pour des questions pratiques.

(2) MCDOUGALL, C. (2016), Tous des héros (traduit par J-P Lefief). Chamonix : Guérin Editions Paulsen. p.369

(3) RICHÉ, D. (2008), Micronutrition, santé et performance. Paris : De Boeck, p.156

(4) RICHÉ, D. (2008), op. cit., p.157


Bibliographie

MCDOUGALL, C. (2016), Tous des héros (traduit par J-P Lefief). Chamonix : Guérin Editions Paulsen

MARIEB, E. N. (2008), Biologie humaine (8ème éd., traduit par R. Lachaîne). Paris : Pearson

RICHÉ, D. (2008), Micronutrition, santé et performance. Paris : De Boeck

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